« Par l’obéissance d’un seul, la multitude sera rendue juste »
(Rm 5, 19)
Cette semaine, nous sommes entrés dans le temps du Carême, 40 jours qui nous sont donnés pour nous préparer à la fête de Pâques, 40 jours pour ré-apprendre à vivre en fils et filles de Dieu notre Père.
Dans l’évangile de ce premier dimanche de Carême, nous entendons le diable dire à Jésus : « Si tu es Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains », ou « jette-toi en bas ». Mais Jésus refuse ! Vivre en enfants de Dieu à la manière de Jésus, c’est donc refuser nous aussi les tentations du diable, ou au moins, c’est essayer de le faire. Vivre en enfants de Dieu, c’est comme Jésus chercher à vivre nos relations de manière juste avec Dieu, avec les autres, avec la nature, et donc aussi avec nous-mêmes. Car non seulement par son obéissance au Père, Jésus est le modèle de relations justes, on pourrait même dire de relations ajustées. Mais en plus, par le baptême qui nous unit à lui, le Christ nous rend capable de telles relations.
Une vertu peut résumer de telles relations ajustées avec Dieu, les autres, la nature et nous-mêmes : la chasteté. C’est une vertu très souvent mal comprise, car la chasteté n’est pas qu’une question d’abstinence sexuelle, parfois même elle ne demande pas une telle abstinence (par exemple entre conjoints). En effet, ce mot vient de « castus », un mot latin qui veut dire « coupé ». Autrement dit, la chasteté, c’est vivre chaque relation dans le respect de la différence : l’autre n’est pas moi et je ne suis pas l’autre. Je ne peux donc pas utiliser cet autre à mon profit, mais je suis appelé à entrer en relation d’alliance avec cet autre, tout comme Dieu a fait alliance avec toute la Création en Jésus son Fils.
Ainsi, le temps de Carême peut se révéler un temps pour nous entraîner à vivre des relations chastes à la manière de Jésus. À vivre des relations chastes d’abord avec la nature, respectueuses de ce qu’elle est, de sa vie, de sa fragilité : recevoir la nature comme un don de Dieu à faire fructifier et non pas comme une propriété dont je peux user sans retenue. Non pas transformer les pierres en pains, mais demander ce pain à Dieu (« Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour ») et rendre grâce pour celui qu’Il nous donne au travers du travail des hommes.
C’est un temps pour nous entraîner aussi à vivre des relations chastes à la manière de Jésus avec nos frères et soeurs en humanité, et avec ma propre humanité : là aussi recevoir les autres et ma propre humanité, non pas comme des moyens à mon service, mais comme un don fragile à accueillir et à respecter sans m’autoriser aucune sorte d’abus : je ne peux pas me considérer comme maître ni de la vie des autres, ni de la mienne : je n’en suis que le serviteur !
Enfin, c’est un temps pour nous entraîner à vivre des relations chastes à la manière de Jésus avec Dieu son Père : non pas mettre Dieu à mon service ou utiliser la foi au service de mes intérêts, mais chercher humblement la volonté de Dieu, qui est toujours en cohérence avec mes engagements et avec le respect de chacun !
Au long de ce Carême, que le Christ nous aide à progresser dans la recherche d’une chasteté humble et sincère dans toutes nos relations. C’est ainsi que nous pourrons apprendre à mieux vivre en fils et filles de Dieu, dans une alliance d’amour avec l’humanité et la Création.
Père Gilles de Cibon , vicaire