Rappelons-nous que la Fête du « Christ-Roi » a disparu : « Christ-Roi », c’est d’ailleurs un pléonasme, puisque « Christ », ça veut dire « Roi » (c’est l’équivalent en grec de « Messie » en hébreu).

Jusqu’au concile Vatican II, cette Fête, instituée par Pie XI en 1925, était célébrée le dernier dimanche d’octobre, donc à la veille de la Toussaint. Le pape voulait ainsi attirer l’attention sur le Règne effectif du Seigneur Jésus dans l’Histoire, au moment où c’est en désaccord avec le Saint-Siège que divers États anciennement catholiques s’étaient séparés de l’Église ; au moment aussi où différents nationalismes tendaient à l’emporter, chez de nombreux Catholiques, sur l’amour du Christ. Pie XI rêvait d’une nouvelle Chrétienté, qui aurait réussi à faire coïncider à nouveau les frontières et les lois de l’Église avec les frontières et les lois des nations modernes dont les habitants étaient encore catholiques en majorité – tout en assurant la paix entre ces nations.

Ce que le pape oubliait peut-être, c’est qu’une majorité de Catholiques ne font pas un « État catholique », et que cette équivalence, qui a connu une réalité certaine au temps de nos rois « sacrés » (c’est-à-dire reconnus comme ministres laïcs dans l’Église), est finalement contestable, même si elle a permis un certain équilibre et de très belles réalisations depuis la « christianisation » de l’empire romain jusqu’à la Révolution française.

En fait, un État n’est jamais catholique, ne serait-ce que s’il veut respecter la liberté de ceux de ses ressortissants qui ne le sont pas ; or, il y en a toujours. Ce sont les personnes, et leurs différentes associations, qui sont ou non catholiques. Ainsi, c’est avec raison que cette Fête a trouvé depuis plus de cinquante ans une dimension plus juste, comme couronnement et achèvement du Temps liturgique, et comme affirmation que c’est sur tout l’univers que le Christ règne déjà, même si seule l’Église le reconnaît – cette Église une et catholique qui ne saurait être enfermée dans des frontières ethniques ou géographiques.

Quant aux États, l’Église ne leur demande plus d’être catholiques, mais d’être au service de la liberté effective de leurs ressortissants, en assurant notamment aux Catholiques la liberté de mener à bien leur mission. Est-ce toujours le cas, y compris dans nos sociétés démocratiques, fragilisées par l’ignorance, et rongées par le pouvoir sournois et dangereux de nouveaux médias peu soucieux de vérité ?

p. Bertrand Bousquet